Libreville, 02 octobre 2023 (Lomé Actu) – Les dirigeants du football gabonais sont sous le feu des critiques après que des allégations choquantes d’abus sexuels impliquant des jeunes joueurs ont éclaté. BBC Africa Eye a recueilli des témoignages accablants de plus de 30 victimes, révélant un réseau d’abus qui sévit depuis des décennies à tous les niveaux du football gabonais.
Depuis les années 1990, des allégations d’abus sexuels pèsent sur le football gabonais, mais elles sont restées largement méconnues jusqu’à récemment. Les récits des victimes sont terrifiants.
L’un d’entre eux, qui a préféré garder l’anonymat, a raconté comment, en tant qu’adolescent participant à un camp de football des moins de 17 ans, lui et son meilleur ami avaient été traumatisés par une nuit cauchemardesque. Réveillés au milieu de la nuit, ils ont été conduits dans une pièce sombre éclairée de lumières rouges, où des hommes nus les attendaient.
Le jeune homme relate, avec émotion, comment ils ont été agressés sexuellement et terrorisés. Ils ont été menacés de ne plus jamais jouer pour l’équipe nationale s’ils révélaient ce qui s’était passé. Cette histoire poignante illustre l’ampleur de l’horreur que les jeunes joueurs ont subie au sein de ce réseau prédateur.
Les tentatives pour attirer l’attention des autorités sur ces abus se sont multipliées au fil des ans. En 2019, Parfait Ndong, ancien international gabonais avec une carrière professionnelle en Europe, a alerté les responsables du football gabonais, dont le président de la Ligue, le président de la Fédération nationale de football (Fegafoot) et le ministre des Sports de l’époque. Cependant, ses efforts sont restés vains, et les médias locaux ont ignoré ses dénonciations.
Ce n’est qu’en décembre 2021, lorsque le journal britannique The Guardian a révélé ces abus au grand jour, que quatre entraîneurs ont finalement été arrêtés. Parmi eux se trouvait Patrick Assoumou Eyi, alias « Capello », qui avait exercé son pouvoir de manière abusive pendant des décennies en tant qu’entraîneur-chef des équipes nationales de jeunes.
L’enquête préliminaire du comité d’éthique indépendant de la FIFA a également suspendu Capello de toutes les activités liées au football. Cette enquête a été menée sur le terrain par le comité d’éthique nouvellement installé de la Fegafoot, et en mai 2022, la chambre d’instruction de la FIFA a officiellement lancé une enquête préliminaire.
Cependant, ces enquêtes ont été critiquées, notamment par Loïc Alves, conseiller juridique principal de la Fifpro, le syndicat mondial des joueurs de football professionnels. Selon lui, la Fegafoot, initialement chargée de mener l’enquête, était en conflit d’intérêts et ne pouvait pas inspirer confiance aux victimes.
Capello a reconnu les accusations portées contre lui et reste en détention en attendant sa condamnation. Les autres entraîneurs arrêtés ont nié les allégations à leur encontre.
De nombreuses questions demeurent sur les autorités qui étaient au courant de ces abus et n’ont rien fait pour les arrêter. Plusieurs joueurs ont déclaré à la BBC qu’ils craignaient pour leur vie s’ils parlaient ouvertement des abus en cours. Ils estiment que ces abus ne se limitent pas à Capello, mais impliquent de nombreux autres responsables du football.
Malgré les appels à la démission du président de la Fegafoot, Pierre-Alain Mounguengui, celui-ci est resté en poste et a même été réélu en avril 2022. De nombreuses questions se posent sur la manière dont les autorités gabonaises ont géré cette crise.
Le scandale a également mis en lumière les réponses insuffisantes des instances internationales du football, la FIFA et la Confédération africaine de football (CAF). La FIFA a suspendu Capello et trois autres entraîneurs, mais n’a pris aucune mesure contre Pierre-Alain Mounguengui malgré son arrestation .
